MAI 1825 – ESCALE À NUKU HIVA DE DEUX NAVIRES DE GUERRE HOLLANDAIS,
LA FRÉGATE MARIA REIGERSBERG ET LA CORVETTE POLLUX
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Le texte ci-dessous a été transcrit et retraduit en néerlandais moderne par Caroline van Santen et, avec l'aide de DeepL, traduit en anglais par Antoine Vanhemelrijk et Caroline van Santen.
Jacques Iakopo Pelleau en a effectué la traduction française en s’aidant de Google traduction.
Les notes entre [crochets] sont de Caroline van Santen ; celles entre parenthèses avec (* astérisque) sont de Jacques Iakopo Pelleau. Celles sans (astérisque) sont du rédacteur original du journal de bord.
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La frégate Maria Reigersbergen et la Corvette Pollux par temps orageux à l'ouest du Cap Horn le 10 février 1825, battant au près vers Valparaíso au Chili où elles ont accosté les 27 et 28 février, peinture de Nicolas Cammillieri (c.1762-1860) dans Pieter Troost Gzn, « Aanteekeningen gehouden op eene reis om de werld » (1829), p.178, Image II
En août 1824, deux navires de la marine néerlandais, la frégate Maria Reigersberg et la corvette Pollux, quittent les Pays-Bas pour l'Amérique du Sud. Depuis la côte ouest de l'Amérique du Sud, les navires poursuivent leur voyage vers les Indes néerlandaises [aujourd'hui l'Indonésie] et visitent en chemin l'île marquisienne de Nuku Hiva du 15 au 26 mai 1825.
Le Pollux au mouillage sur l'île de Nuku Hiva aux Marquises fin mai 1825 lors de son voyage inaugural autour du monde avec la frégate Maria Reigersbergen de Texel à Java via le Cap Horn (23 août 1824-30 août 1825) puis retour à Texel (1er avril-30 novembre 1827). Image extraite de Pieter Troost Gzn, « Aanteekeningen gehouden op eene reis om de areld ; met het Fregat de Maria Reigersberg [sic] en de Korvet Pollux, dans de Jaren 1824, 1825, en 1826 » (Rotterdam : De Weduwe J. Allart, 1829), p.172 face.
En raison de l’indisposition du capitaine Frederik Coertzen, commandant du Maria Reigersberg, qui est souffrant lors de la visite à Nuku Hiva, c’est le commandant de l’autre navire, le commandant Christiaan Eeg du Pollux, qui prend la responsabilité de l'expédition néerlandaise pendant leur séjour sur place.
Le texte ci-dessous est le compte-rendu du journal de bord du commandant Eeg du Pollux.
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Dimanche 15 mai [1825]
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À 5h30, je fis réduire la voilure et mettre le cap au nord-ouest en direction de la pointe sud-est de l'île de Noahiwa [Nuku Hiva] et à 6h30, nous explorâmes la partie de ce qu'Hergest appelait « Point Martin » (* Le Cap St Martin = Tikapo). Nous naviguâmes au portant. Vers 9 heures du matin, le ciel était couvert, avec de fortes pluies, qui durèrent un certain temps. À 10 heures du matin, nous nous approchâmes de la terre à moins d'un mille, puis le calme revint par intervalles. À ce moment-là, une trombe marine déferla sur le navire, entre le grand mât et le foc, ce qui brisa la latte tribord de la vergue principale. Le brouillard épais et les bourrasques finirent par nous interdire complètement la vue de l’île. J'ai alors jugé qu’il était déraisonnable de poursuivre la navigation et j’ai fait virer au sud-est en direction de la haute mer ; la frégate nous suivit dans notre manœuvre.
Vers 11h30, le ciel s'éclaircit et le vent tourna au sud-est, et sur ce nouveau frisson des voiles, je repartis en direction de la terre. Nous nous en approchâmes à moins d'un demi-mille et cherchâmes à examiner un rocher noir qui, selon Krusenstern et le capitaine Porter [qui commandait la frégate américaine Essex en 1813 et avait amené ici plusieurs pêcheurs anglais des mers du Sud qu'il avait capturés], devait se trouver peu en dessous de « Point Martin ».
Enfin, nous l’aperçûmes, mais nous le trouvâmes si petit et si peu élevé au-dessus de l'eau, qu'à mon avis, on ne peut pas le prendre comme point de repère pour s’orienter. Mais, par contre, il est très surprenant que ni Krusenstern ni Porter ne fassent mention d'un morceau de rocher carré au sommet de « Point Martin », qui de loin ressemble parfaitement à une grande cheminée, et que nous avons découvert à une distance de 5 à 6 miles, et constitue le meilleur point de repère de toute l’île.
Juste après midi, alors que nous avions « Point Martin » juste au nord, toutes les parties de l'île du côté oriental disparurent derrière. Nous entrâmes ensuite dans la « Bay Home » [Ho’oumi, appelée « Comptroller's Bay » par Hergest] (* En 1792, le Daedalus commandé par Hergest fut le 1er navire étranger à faire escale à Nuku Hiva), que nous avons trouvée très large, mais les vagues étaient partout très fortes, même s'il y avait aussi une houle extrêmement forte ce jour-là.
Nous longeâmes ensuite cette côte rocheuse peu engageante qui offrait pourtant un spectacle grandiose à travers quelques jolies cascades, jusqu'aux deux îlots formant l'entrée de Port Anna Maria [Taiohae], appelés Mattuia [Matauapuna] et Motenoe [Motunui] par les indigènes, les Sentinelles du capitaine Porter.
Krusenstern les décrit assez précisément, mais ces îlots ne se distinguent pas facilement de la terre principale, car ils se trouvent vraiment tout proches.
Pourtant, le fait que Krusenstern ait négligé de spécifier un autre repère pour le port (* La baie de Taiohae) est incompréhensible, et celle-ci est si précisément décrite par Porter, à savoir, en direction est du port, une ligne blanche assez large qui descend de la montagne perpendiculairement à l’eau, telle une cascade, ce qui n’est pourtant pas le cas, car on voit bien d’assez loin que c'est de la pierre blanche ; c'est le repère le plus sûr du port, et on ne peut le manquer.
Vers 14 heures, nous doublâmes l'îlot de Mattaia [Matauapuna], ou la Sentinelle la plus à l'est, à une demi-longueur de navire. Une légère brise nous porta à l'intérieur du port, où nous jetâmes l'ancre dans 12 brasses et demie de sol sablonneux. Environ une demi-heure plus tard, la frégate arriva également et jeta l'ancre près de nous. Vers le soir je fis lancer une ancre de vergue du côté ouest puis une ancre lourde dans 12¾ brasses de fond ...
Nous étions au mouillage depuis quelque temps, sans qu'aucun indigène ne monte à bord, bien que nous en voyions quelques-uns se promener sur la plage. Je fis alors hisser un drapeau blanc sur l'un des mâts, ce qui fut imité par la frégate, après quoi aussitôt certains vinrent à bord en pirogue, et d'autres, dont la plupart étaient des femmes, à la nage. Mais au coucher du soleil, les filles semblaient avoir peur de rester. Elles sautèrent par-dessus bord les unes après les autres et nagèrent jusqu'au rivage, nous laissant sans compagnie cette nuit-là.
Les jours suivants de notre séjour, elles furent moins timides et un nombre considérable monta à bord le soir. Cependant, très peu de femmes virent ensuite à la nage jusqu'aux navires ; mais lorsqu'une chaloupe était envoyée le soir au coucher du soleil vers le point d’approvisionnement en eau douce (* aiguade), elle revenait généralement avec 30 à 40 de ces malheureuses créatures. Je les qualifie de malheureuses et déplorables, car il y avait parfois parmi elles des fillettes qui n'avaient très certainement pas encore atteint l'âge de 10 ans et qui venaient passer la nuit avec les marins. Pourtant, les rapports de certains voyageurs disant que des hommes et des pères nagent autour du navire pour offrir leurs femmes et leurs filles à un usage lubrique ne semble pas conforme à la réalité, car nous ne l'avons pas vu une seule fois.
Peu avant notre arrivée dans cette île, je fis examiner l'équipage du navire par le médecin et me fis remettre une liste de ceux qui étaient soit quelque peu vénériens, soit récemment guéris de la maladie ; pendant notre séjour, ils furent furent mis aux arrêts la nuit afin de les empêcher d'avoir des contacts avec des femmes et ainsi éviter la propagation de cette maladie, que l'on connaît peut-être encore mal chez les indigènes, et qui entrainerait de terribles conséquences, faute d'aide médicale.
Le lendemain, j'envoyai le 1er lieutenant Tengbergen avec quelques officiers supplémentaires et environ vingt-cinq hommes armés sur le rivage pour examiner l’aiguade (* Soit la rivière Vaikeu, près de la banque Socredo, soit la Vainaho qui coulait en abondance à l’époque), goûter l'eau et ensuite enquêter afin de savoir s'il y avait un chef de cette vallée ; concernant ce dernier, il n’avait rien pu trouver.
« Homme de Nuku Hiva », aquarelle et crayon de Van Haersolte (1825).
Collection du Historisch Centrum Overijssel – Inventaire des archives 0237.1 - N° inventaire 129
Nous avons également eu la malchance, par rapport aux autres voyageurs, de ne pas trouver ici un seul Européen qui puisse nous aider à communiquer. Nous avons trouvé un natif de l'île d'Otahaiti [Tahiti], qui parlait quelques mots d'anglais et qui montrait des certificats établis par des capitaines de navires de pêche américains des mers du sud, attestant qu'il avait aidé à livrer de l'eau et du bois de chauffage. Certains de ces témoignages étaient bons, d'autres n'étaient pas honorables, mais l'anglais qu'il parlait était si médiocre qu'il ne pouvait nous être d'aucune utilité en tant qu'interprète, de sorte que nous avons dû nous contenter des quelques mots trouvés dans le glossaire du 1er volume de « Reise om de werld » de Langsdorff [Voyages et voyages dans diverses parties du monde] (* Expédition russe de Krusenstern qui fit escale à Nuku Hiva en 1804).
Grâce à ce vocabulaire, nous avons donc pu apprendre que cette vallée ne vivait pas dans la joie, qu'ils étaient constamment en guerre avec un peuple appelé Taijpies [Taipi], d'une vallée voisine, et que l'ancien chef Kettenowee [Kiatonui ; il était chef ici à l'époque du capitaine Krusenstern et du capitaine Porter] et d'autres de ces insulaires distingués que nous connaissions par leurs noms d'après les descriptions des voyages et qui, comme ils nous l'ont montré, avaient été mangés. Ce fut également le cas du grand-prêtre, lorsqu'ils virent son portrait dans l'œuvre de Porter, ils le reconnurent aussitôt et l'appelèrent Matte Matti (* Mate = mourir ; peut-être « Mati est mort » ; le grand-prêtre dessiné par Porter se nommait Tauataa/Tāuà Taa). Durant notre séjour ici, nous n'avons pas vu de grand-prêtre.
Le 17 mai, je fis dresser une tente près du point d'eau et fis entreprendre la corvée d’eau, ce qui était très difficile à cause des fortes vagues. Aussi, ce matin-là, j'ai débarqué avec quelques officiers des deux navires et une centaine d'hommes armés avec les musiciens de la frégate. Une fois ceux-ci alignés sur la plage (* de Vainaho), nous avons marché jusqu'à une magnifique cocoteraie, accompagnés de plus de 700 indigènes des deux sexes.
Finalement, s'est approché de moi un homme, qu'aucun signe ne permettait de distinguer des autres, sinon qu'il était un peu plus tatoué, et qui me dit être un des chefs. Après avoir fait un peu de chemin dans la forêt, nous arrivâmes à une grande place semblable à un marché, ombragée par de grands cocotiers, qui me parut être une sorte de lieu de rencontre et propice aux discours. On y apercevait un amas de pierres de taille carrée servant de sièges et parmi celles-ci une de taille extraordinaire qui convenait probablement au chef.
Dès que nous approchâmes de cette place, un vieil homme s'approcha de moi, me prit par la main et me conduisit jusqu'à la grande pierre, où je dus m'asseoir. Le chef se plaça à côté de moi ; un autre chef nous y rejoignit également et ensemble firent de leur mieux pour éloigner de moi avec une sorte d'éventail en fibres de coco les mouches qui étaient incroyablement nombreuses et nous tourmentaient étonnamment.
Une foule incroyable de gens nous entouraient et tous étaient très joyeux. Je fis jouer les musiciens et battre le tambour, ce qui leur plut beaucoup. Lorsqu'ils remarquèrent que nous avions soif à cause de la grande chaleur, des garçons grimpèrent dans les arbres et lancèrent d'en haut une grande quantité de noix de coco, qui furent ouvertes, et nous fûmes tous rafraîchis par le délicieux lait de ce fruit.
Cependant, j'avais hâte d'en apprendre davantage sur la situation sur cette île, de voir si des changements s'étaient produits depuis l'époque où Krusenstern et Porter étaient passés (* 1804 et 1813/1814). Nous dûmes donc recourir à nouveau au dictionnaire et découvrîmes que ces deux chefs mentionnés ci-dessus avaient l'autorité, l'un sur la partie la plus orientale et l'autre sur la partie la plus occidentale de la vallée de Taijohoaë [Taiohae] au nom d’un enfant parmi les descendants de Kettenowee [Kiatonui], qui était encore très petit, et à qui devait ensuite revenir l'autorité.
J'ai immédiatement demandé à voir cet enfant et ils nous l’ont amené aussitôt. C'était un garçon d'environ trois ans (* Probablement le futur Temoana ; voir en fin d’article les évaluations de son âge par d’autres officiers). Je lui ai accroché des bijoux autour du cou, puis ils l'ont emmené. Faut-il en conclure que la chefferie est héréditaire ?
J'ai offert aux deux chefs une hache et un couteau, mais le fer ne leur semblait plus aussi désirable qu'auparavant. L'eau-de-vie de cognac, dont nous avions apporté une bouteille et dont nous donnâmes une gorgée à quelques-uns, leur plut davantage et ils la burent avec beaucoup d'avidité.
Après avoir passé plus de quelques heures dans la forêt, nous retournâmes à notre tente et tous les indigènes nous suivirent. Je m'arrêtai sur la plage, et à la demande des deux chefs, je fis tirer quelques salves de canon, ce qui leur plut beaucoup. Aucun d’entre eux, pas plus que les femmes, ne montra la moindre peur ou frayeur au bruit des détonations.
J'ai alors fait monter les deux chefs à mon bord où ils ont partagé le déjeuner avec moi, et tout semblait être à leur goût, mais rien ce qu'ils virent dans la cabine ne leur paru nouveau. L'un était très attentif aux canons et aux pistolets et surtout à l'artillerie dont il examinait avec grande attention le vissage des articulations et tout ce qui avait quelque rapport avec le garde en faction. L'autre, en revanche, était plus soucieux de boire et, selon son collègue, était un ivrogne, ce que je croyais être la vérité, car il était couvert de plaies, probablement causées par l'usage fréquent du kava.
Après ces premières visites mutuelles, les indigènes étaient devenus plus confiants et montaient quotidiennement à bord en plus grand nombre : ils nous divertissaient de leurs facéties et étaient toujours aussi joyeux.
À partir de ce moment-là, on nous apporta régulièrement de nombreuses denrées alimentaires ainsi que des porcs. La forêt de cocotiers, où nous avions fait notre première rencontre avec les indigènes, était très agréable, ombragée de gros arbres, procurant une ambiance très romanesque. Cette forêt s'enfonçait plus profondément dans la vallée, où se trouvent les habitations de ces gens, dispersées non pas en villages ou rangées de maisons, mais largement dispersées, sans aucun ordre. Sur la plage, on voit peu de maisons habitées. Je pense qu'ils ne se considèrent pas en sécurité sur le rivage la nuit et craignent d'être attaqués et emmenés par les insulaires voisins. Depuis les navires, la cocoteraie en question offrait un magnifique spectacle.
Le 19 mai, les deux chefs revinrent à bord. L’un d’eux m’apporta en cadeau un gros cochon pesant entre 75 et 80 livres hollandaises (* Plus ou mois 40 kg). En contrepartie, je lui offris une grande hache et une scie dont il fut très content. Après qu'ils eurent bien mangé et bien bu, je les fis renvoyer à terre.
Quelques jours plus tard, ils m'offrirent un ornement de tête et des noix de coco. Je leur fis cadeau de quelques morceaux de coton blanc, qu'ils s’attachèrent autour de la taille après avoir enlevé leurs propres pagnes ... Chaque jour, ils montaient à bord et, à mon grand ennui, restaient dans la cabine pendant des heures entières, de sorte que, par la suite, j’ordonnais parfois aux sentinelles de les refouler. Alors, ils rejoignaient les officiers, et lorsqu'ils n'étaient bienvenus nulle part ailleurs, ils passaient sous le gaillard d'avant chez les cuisiniers, où ils léchaient les marmites ou les poêles.
Pendant ce temps-là, nous faisions des progrès considérables dans les travaux de notre navire ; le gréement était prêt et, le 21, tous nos fûts d'eau étaient remplis. La frégate, qui avait encore du travail à faire, n'était pas prête.
Je fis porter à terre l'horizon artificiel (* Voir le lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Horizon_artificiel), quand le temps le permettait (ce qui n'était pas souvent le cas), avec lequel le 1er lieutenant Tengbergen faisait des relevés de longitude avec les chronomètres, dont le compas azimut, afin de constater le désalignement des compas à terre, ce qui, cependant, demandait beaucoup d'efforts car il fallait faire très attention, au retour au navire, à ce que les instruments ne soient pas endommagés par la houle parfois très forte.
Une fois le travail terminé, je laissais certains sous-officiers, marins et fantassins de marine débarquer quotidiennement pour qu’ils puissent se promener et s'amuser. Je pouvais le faire en toute confiance, car il n'y avait pas de pub (* En Grade Bretagne, les pubs st des bars à bière et des restaurants) où ils pouvaient boire un verre, ce qui aurait pu causer des désagréments, et ils revenaient donc toujours à temps.
Nous ne pouvons rien dire des mœurs, us et coutumes des Noahiwis [Nuku Hivans] (* Nukuhiviens) en raison de l’absence totale d’interprète. L'Otaheti [Tahitien] qui était ici, qui ne parlait que très peu de mots d'anglais, ne pouvait pas nous aider dans cette affaire, car lui-même n'était pas plus civilisé que les indigènes. Nous avons donc dû nous contenter de comparer ce que nous avions vu avec ce qui avait été rapporté par les voyageurs précédents dans leurs descriptions. Nous avons également trouvé beaucoup de détails en accord avec ce qu'avaient écrit Krusenstern et Langsdorff à ce sujet, mais certains besoins de ces gens semblent avoir considérablement changé depuis qu'ils ont eu plus de contacts avec des gens civilisés, car les pêcheurs des mers du sud viennent ici chaque année pour se rafraîchir ; le fer, par exemple, n'avait que peu ou pas de valeur pour eux, à l'exception des grandes haches. J'avais à bord quelques petites haches, scies, couteaux et ciseaux fabriqués par d'habiles forgerons, mais tout cela ne nous apportait que peu d’approvisionnement quand nous les troquions ; certains ne les acceptaient même pas comme cadeaux, mais la poudre à canon était ce qu’ils convoitaient le plus, et pour un peu de poudre, tout était disponible e quantité.
Ils étaient également en possession de plusieurs fusils. Certains de nos officiers et d'autres hommes sont tombés sur 3 ou 4 fusils, qui étaient très bons, lors de leurs promenades dans les maisons. Un indigène monta à bord avec un fusil qui était cependant en très mauvais état. Mon intendant a trouvé dans une maison de la vallée un fût contenant ce qu'il estimait contenir 25 livres hollandaises (* Plus ou moins 12kg) de poudre à canon, qui était très bien conservée, mais généralement dépourvue de silex (* Pour la mise à feu). Cependant, il est à craindre qu'avant d'en savoir suffisamment sur l'usage des armes à feu et de la poudre à canon, ils ne se fassent plus de mal qu'à leurs ennemis.
« Habitant de Nuku Hiva » dans Pieter Troost « Aantekeningen gehoulden op… », Rotterdam, 1829, Planche V
Les hommes de Noa hiwa [Nuku Hiva] sont généralement une belle race, rapides, grands, fortement musclés et d'apparence éminemment saine ; les femmes, en revanche, et surtout celles qui montaient à bord quotidiennement, étaient loin d'être belles. Elles sont petites, dandinantes, maigres, et je crois ne leur faire aucune injustice en les plaçant à cet égard au-dessous de toutes les femmes indiennes que j'ai vues (sauf les Hottentots) (* Nom donné par les Hollandais à un peuple d’Afrique du Sud dont ils furent les premiers colonisateurs).
Lors de notre première visite à terre, alors que toute la vallée était en mouvement, nous vîmes une foule de femmes qui, me sembla-t-il, appartenaient à une classe supérieure, mais parmi elles nous n'en vîmes que deux, qui, à notre avis, pouvaient passer pour jolies, mais certains officiers, qui s'étaient rendus plus profondément dans la vallée, avaient vu de belles femmes. Cependant, leur nombre sur l’île doit être très réduit.
Les vêtements des hommes se composent uniquement d'un pagne, qu'ils enroulent autour des hanches et passent entre les cuisses. Nous n‘en vîmes que très rarement portant une cape sur les épaules, et pour le plus grand nombre, ils allaient complètement nus.
Ceux qui préféraient cette dernière tenue avaient toujours le prépuce lié avec une cordelette. Quelques-uns avaient les cheveux rasés, à l'exception d'une bande de chaque côté au-dessus des oreilles, qu'ils attachaient très serrés avec une cordelette, ce qui les faisait alors ressembler à une paire de cornes.
Ils ont la barbe rasée, à l'exception d'une touffe sur le menton qu’ils laissent pousser. Leurs ornements consistent en un collier en haricots rouges (* Probablement des graines « pōniu/pipitiò »), des boutons dans les oreilles, faits de coquilles blanches, une dent de sanglier sur la poitrine ; parfois, bien que très rarement, ils avaient la tête ornée de plumes de coq, mais la plupart n'en portaient pas.
Les femmes, qui ne portaient qu'un vêtement en mûrier à papier, généralement blanc ou jaune, enroulé autour de la taille et qui arrivait jusqu'aux genoux (* Le pagne « kāèu » en tapa), avaient très rarement des ornements, et ce qu'elles recevaient de l'équipage du navire, comme des boutons ou autres bibelots, elles se les accrochaient autour du cou.
La principale activité d’embellissement de ce peuple pourrait se résumer à se tatouer ou à se piquer le corps. Ceux qui semblaient appartenir à une classe supérieure étaient les plus forts, et ils étaient tatoués sur tout le corps, et chez eux, cela était si joliment fait qu'on ne pouvait que s'émerveiller de la régularité des figures et des contours. D’autres, moins prestigieux, étaient également moins tatoués, et chez certains d'entre eux, on trouvait sur le corps des figures de requins, de poissons volants et d'autres animaux. D'autres encore avaient un œil noir et de larges rayures noires s’étiraient sur leur visage dans toutes les directions, donnant à certains de ces hommes, par ailleurs beaux, une apparence hideuse.
Les femmes étaient peu tatouées. Certaines avaient une main tatouée, d'autres les deux mains, du bout des doigts jusqu'à un peu au-dessus de l'articulation de la main, les faisant ressembler à des gants cousus ou brodés, ce qui était très joli. Certaines portaient également des bracelets et avaient généralement les lèvres marquées de rayures croisées. Ceux appartenant aux classes les plus basses, hommes et femmes, ainsi que les garçons, n'étaient pas du tout tatoués.
Le comportement de ces gens nous a semblé très bon enfant. Ils étaient toujours joyeux et serviables ; à bord, ils aidaient au levage de l'eau et à d'autres travaux du navire ; à terre, ils aidaient souvent l'équipage à la corvée d’eau douce. Et lorsque certains de mes gens descendaient à terre pour se promener, la plupart n'étaient pas armés, ils étaient toujours accompagnés de plusieurs indigènes, et quand ils avaient soif, certains grimpaient dans les arbres et coupaient des noix de coco, qu'ils savaient ouvrir avec une grande habileté et donnaient aux promeneurs pour se rafraîchir.
Jamais ils n’ont fait montre d’une quelconque hostilité envers nous et, pendant notre séjour ici, nous avons vu que très rarement des indigènes armés, et si cela se produisait, ce n'était qu'une sorte de bâton, en forme de pointe, avec une touffe de cheveux humains provenant d'un ennemi vaincu qui y est attaché. Ils étaient donc très impressionnés par nous, mais j'aimerais croire que l'une des raisons de leur obligeance et de leur bienveillance était le grand nombre d'équipages et d'armes à feu qu'ils ont vu sur nos navires, ce qui les a convaincus que nous serions capables de prendre possession de toute l'île.
Pour le troc, ils étaient également très honnêtes, et le caractère voleur dont on accuse généralement les insulaires des mers du Sud, nous n’en n’avons pas été témoins une seule fois, bien au contraire, car le commandant Geesteranus m'a dit que deux marines de la frégate, qui s’étaient assommés en tombant de la chaloupe dans le ressac, avaient perdu leurs sabres. Les indigènes les avaient retrouvés et les avaient apportés à leur chef, qui les fit aussitôt livrer à bord. Un cas similaire s'est également produit près de notre point d'eau : les fortes vagues avaient fait chavirer une chaloupe et tout avait été emporté. Les indigènes aidèrent à repêcher le tout et à le restituer fidèlement à l'officier de service sur place.
Cependant, les jeunes filles qui passaient la nuit avec l'équipage du navire étaient moins affranchies de ce vice. Avant de quitter le navire le matin, elles étaient inspectées par le prévôt, qui trouvait souvent certains vêtements légers de l'équipage qu'elles souhaitaient emporter avec elles.
Chaque jour, une foule d'indigènes nageait autour des navires et apportaient un grand nombre de noix de coco, de bananes et aussi de fruits à pain (mais pas beaucoup de ces derniers, car ils disaient qu'ils n'étaient pas encore mûrs), contre lesquels ils échangeaient des bouteilles vides, des biscuits de marine et parfois du bacon de l'équipage. Mais ils n’apportaient jamais de poisson et étaient très rarement vus en train de pêcher. La baie ne me semble pas très poissonneuse (du moins à cette époque de l'année), car à quelques reprises, lorsqu'ils tiraient la senne en partant de la frégate, ils ne prenaient que quelques petits poissons. Les armes n'étaient pas du tout à vendre, sauf le dernier jour, où ils offraient aux navires quelques massues de guerre et des lances.
Nous ne pûmes pas en apprendre beaucoup sur l’abominable coutume de manger la chair humaine, qui, selon certains auteurs, est courante chez ces personnes. À l'aide de notre glossaire, j'ai interrogé les deux chefs qui venaient souvent me voir (dont je n'ai jamais pu connaître les noms avec certitude), mais ils semblaient le nier. Néanmoins, ils me firent comprendre que lorsque leurs ennemis, les Taipies [Taipi], venaient de leur vallée et faisaient des prisonniers, ils les tuaient et les mangeaient. Cependant, un autre indigène rencontré au point d'eau nous indiqua clairement que lorsqu'eux-mêmes faisaient prisonniers leurs ennemis, ils les tuaient et les dévoraient également.
S'ils mangent leurs femmes, leurs enfants et leurs parents décédés en période de famine, comme le rapportent Krusenstern et Langsdorff, je n'ai rien trouvé à ce sujet. Mais je les en crois capables, car ce n’est pas leur sens de la compassion qui les en dissuadera ; en effet, lors de ma première visite dans la vallée, un homme m'a proposé à la vente son enfant d'un an. Un cas semblable a également été vécu par un de nos messieurs en une autre occasion, et ces exemples trahissent une indifférence terrible et presque incroyable.
Concernant leur culte, nous n'avons pas pu en voir le moindre signe faute d'interprète. Nous n'avons rien vu non plus parmi eux qui en ait l'apparence, et nous n'avons pas non plus vu de prêtres. Les Taboo [Tapu] semblaient avoir un certain pouvoir sur eux, car s'ils nous dérangeaient trop sur le demi-pont, il nous suffisait de crier « Taboo » et ils s'en allaient, mais revenaient peu de temps après, excepté la veille de notre départ où je ne voulais plus d'indigènes à bord ; je fis alors hisser un drapeau rouge et tirer un coup de canon déclarant le navire tabou. Alors certains ont crié « Mate, mate » (* Mort, mort) et tous sont partis, et personne n'est revenu à bord. Cependant, je crois que le coup de canon en est davantage la cause que la simple déclaration du tabou.
Par ailleurs, l'île de Noahiwa [Nuku Hiva] (c'est le vrai nom tel que prononcé par les indigènes, car nous n'avons pas du tout entendu le nom prononcé « Núkahiwa ») nous est apparue comme une bonne escale de ravitaillement où nous trouvâmes en grande quantité des noix de coco, des fruits à pain, des bananes et des ignames, ainsi qu’une sorte de fève, cependant pas très savoureuse, et aussi une sorte de chou frisé qui avait aussi bon goût qu'en Hollande ; je crois que la terre est bien adaptée à la culture.
Les porcs sont nombreux (les indigènes voulaient parfois que nous les abattions) et nos deux navires ont reçu ensemble plus de 150 de ces animaux, dont la plupart étaient très gros, de sorte que nous avons pu donner à notre équipage un excellent bacon frais pendant plusieurs jours de suite. Nous reçûmes également un grand nombre de coqs et de poules, de sorte qu'à notre départ nos poulaillers étaient bien remplis.
Ainsi, comme le capitaine Porter, je peux recommander Port Anna Maria [Taiohae] comme lieu de ravitaillement à tous les marins qui passent par ces régions où ils trouveront une abondance de denrées ; c’est, de plus, un port éminemment bon avec un bon sol sablonneux propre et une profondeur de choix. Nous avions mouillé avec deux ancres par 12½ à 12¾ brasses de profondeur, ancres tendues à l'est et à l'ouest ; du côté est du port, à ⅛ milles du rivage, non loin d'une colline faisant saillie au nord-est (* Tuhiva, l’ancien Fort Collet). On y trouve aussi de nombreux points d'eau. La frégate avait choisi son point d'eau du côté est, si proche qu'elle était à portée de tir de fusil depuis la grève, mais les vagues y étaient parfois si fortes que c’en était périlleux pour les chaloupes ; notre point d’eau était plus éloigné, et un peu dans la partie nord-ouest du port, mais beaucoup moins dangereux pour les navires. Nous pûmes aussi faire provision de bois de chauffage en abondance.
Nous n'avons pas été en mesure de faire de constations définitives sur la météo en raison de la brièveté de notre séjour, c'est pourquoi nos résultats ne concordent pas avec les observations d'autres voyageurs qui étaient ici à la même période de l'année et qui ne sont pas restés assez longtemps pour rédiger quelque chose de précis.
Les vents de terre et de mer alternent de manière très irrégulière, mais la plupart du temps, il n’y a pas de vent. Sur les 11 jours que nous avons passés dans ce port, nous avons rarement passé une journée entière sans pluie, et certains jours il a plu régulièrement et assez fort. Entre autres choses, toute la journée du 19 mai, nous avons subi une averse avec de violents éclairs et un tonnerre terrible. La pluie tombait des montagnes avec une telle force qu'elle déracinait et emportait avec elle tant de broussailles et d'arbres entiers que la baie en était couverte, et que le courant qu'elle provoquait avait une vitesse allant jusqu'à 2 milles, de sorte que les câbles des ancres de lancement, que les deux navires avaient inversées pour rester droits sur l'eau, se sont brisés. Nous avons également appris le lendemain que des personnes avaient été tuées à cette occasion.
Le thermomètre affichait généralement entre 86° et 90° (* 30°- 32°Celsius) sur le pont, sauf lors des fortes averses, où il tombait entre 79° et 79½. (* 26°C)
Ayant dit tout ce qui était possible sur l'île de Noahiwa [Nuku Hiva] avec ces remarques, je ne considère pas inutile (même si ce qui a été traité est déjà compris) de proposer ici une marche à suivre concernant la visite de cette île et Port Anna Maria [Taiohae]. En naviguant depuis l'est en passant par l'île de Roapogah (île de Riou) [Ua Huna] (* Eeg écrit « Roapogah » ce qui ressemble plus à Ua Pou, mais en précisant « Riou » et la direction « est », il est évident qu’il s’agit de Ua Huna), ce qui est normalement le cas, on découvre généralement l'île de Noahiwa [Nuku Hiva] au nord-ouest. On se dirige alors tout droit vers Point Martin, l'angle sud-est de l'île, facilement reconnaissable à sa forme noire et fortement saillante, et surtout à un bloc de rocher carré au sommet de cette pointe, qui ressemble à une grande cheminée de loin. Cette particularité ne peut être confondue avec aucune autre.
On s'approche de ce point à moins d'un quart de mille et on n'a rien à éviter que ce qu'on voit. On continue le long de la côte et, lorsque Point Martin est passé au nord, la Baie du Contrôleur s'ouvre, et il reste encore 1 à 1½ milles jusqu'à Port Anna Maria [Taiohae].
Presque à mi-chemin entre cette dernière et la première baie signalée se trouve une falaise rouge abrupte, la seule trouvée ici. Et puis on voit les îlots de Mattaú [Matauapuna] et Matenoë [Motunui] (ce dernier a la forme d'un pain de sucre et est un peu accidenté au sommet et doit rester à bâbord lors de la navigation).
Bien qu’elle ne soit pas toujours très nette, une ligne blanche dans la chaîne de montagnes, d'une assez grande largeur, ressemblant à une cascade qui descend jusqu'à la surface de la mer, montre l'angle oriental du port et juste au-delà se trouve l'îlot de Mattaú [Matauapuna]. On laisse cet îlot à quelques longueurs du navire sur tribord lors de l'entrée, sans craindre aucun danger, et on pénètre ainsi dans la baie en prenant soin d'avoir à tout moment une ancre prête pour que, lorsque le vent de terre vire vers le large comme c'est souvent le cas, on puisse immédiatement mouiller dans une bonne trentaine de brasses d'eau. Cependant, nous avons eu la chance de naviguer droit au mouillage, même si le vent était variable. Nous avons également été chanceux à notre départ, car le matin à 8h30, nous sommes partis avec quelques chaloupes devant nous pour nous tirer, et une heure plus tard, nous étions déjà en mer. Cependant, il faut toujours veiller, tant à l'aller qu'à l'arrivée, à naviguer plus proche de la rive orientale que de la rive occidentale.
Esquisse au crayon de Marquisiens sur des échasses par J. C. van Haersolte
Collection du Historisch Centrum Overijssel – Inventaire des archives 0237.1 - N° inventaire 129
La côte sud de Noahiwa [Nuku Hiva] offre trois baies sûres pour les navires, à savoir la baie du Contrôleur (* Hakapaa, Taipivai, Hooumi), Port Anna Maria (* La baie de Taiohae) et le port le plus à l'ouest, appelé Port Tschitschagof [Hakatea] par Krusenstern, et Lewis Bay par Porter (* Hakaui).
La Baie du Contrôleur étant la plus grande, nous parut très belle au passage, mais comme les vagues étaient très fortes partout, nous estimâmes que l'accostage avec les chaloupes et donc l’accostage devaient être très difficiles. Et comme les capitaines Krusenstern et Porter donnent une description très favorable du port Tschitschagof [Hakatea] ou de la baie Lewis, mais que tous deux s'accordent sur le fait que l'entrée est plus étroite et, selon Porter, quelque peu dangereuse pour les gros navires, j'envoyai le 1er lieutenant Tengbergen, accompagné du 1er Lieutenant Coops de la frégate, avec une barque armée pour l'examiner. Ils trouvèrent que c'était une très belle et grande cuvette, entièrement cernée de terre dans laquelle n’entrait pas la moindre houle. Ils trouvèrent aussi l'entrée de la baie étroite, mais assez vaste pour accueillir 6 navires, et très appropriée aux navires marchands pour décharger et réparer. Concernant les navires de guerre, cependant, l'entrée était un peu étroite, et dans la vallée il n'y avait pas autant de nourriture à trouver que là où nous étions amarrés, car d'après leurs calculs, le nombre d'indigènes ne pouvait être supérieur à 1/6ème de la population de Toÿohaoe [Taiohae]. On peut donc en conclure que de ces trois ports, Port Anna Maria est de tous points le plus favorable.
Les deux navires étant prêts à prendre la mer le 25 mai, M. le capitaine Coertzen, en consultation avec moi, détermina l’itinéraire que nous devions emprunter pour passer du Pacifique aux Moluques...
Bien qu’apparemment en meilleure santé, M. le capitaine Coertzen restait allongé la plupart du temps et se trouvait temporairement dans l’incapacité de remplir ses obligations de service en raison de sa faiblesse ; il me demanda de repartir en tête et d'organiser la navigation.
J. Gonsolvi, marin de 1ère classe et mulâtre (* métis) brésilien, qui avait tenté à plusieurs reprises de déserter, mais en avait été empêché, a réussi à nous échapper la dernière nuit de notre séjour sur cette île car le matin de notre départ, il avait disparu et a probablement nagé jusqu'au rivage et est devenu un Noahiwer [Nuku Hivien].
REMARQUE
Le texte ci-dessus a été transcrit et traduit en néerlandais moderne par Caroline van Santen et, avec l'aide de DeepL, traduit en anglais par Antoine Vanhemelrijk et Caroline van Santen.
Le journal de bord manuscrit original peut être consulté en cliquant sur ce lien.
Le contenu du journal de bord a été utilisé par Caroline van Santen dans sa thèse de doctorat « Nuku Hiva 1825 : ethnohistoire d'une rencontre hollandaise-marquisienne et étude historique de l'art de la culture matérielle marquisienne ».
Pour consulter la thèse, cliquer sur ce lien.
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EXTRAITS DES JOURNAUX D’AUTRES MEMBRES DE L’EXPÉDITION AVEC DE NOMBREUSES RÉFÉRENCES À TEMOANA ENFANT (ENTRE 3 ET 10 ANS)
1) - Haersolte, J.C. van, 1824-1826
« Journaal gehouden op eene reis rondom de wereld », door JCHvH. Historisch Centrum Overijssel : Arch.inv. 0237.1 Haersolte, familie Van, tak Haerst, den Doorn en Zuthem, inv.nr. 129, pp. [22. 25] :
« Le 17 mai, les deux états-majors se rendirent à terre avec des chaloupes armées afin de rendre visite au roi et le tranquilliser ; ils étaient accompagnés d'un détachement armé de marines et de marins, ainsi que de notre grande fanfare martiale, avec tous les honneurs militaires ; mais ils apprirent que le roi était mort quelque temps auparavant, et que le roi actuel n'avait pas encore deux ans... »
2) - Singendonck, W.C., 1824-1825
« Beschrijving van een reis naar Indië over Kaap Hoorn met ZrMs "Maria Reigersbergen" en "Pollux", loopende van Mei 1824 - Aug 1825 ». Het Scheepvaart Museum : Inv.nr. S.1539 [nr 0001], p. [32]:
« (...) Le fils de Kiatonui (nom du chef précédent) était vivant, mais n'était qu'un enfant de trois ou quatre ans, et était très soigneusement gardé et éduqué par les membres les plus importants de la tribu. Parce qu'il était encore si jeune, il n'était toujours pas tatoué du tout... »
3) - Troost, Pieter., 1829
« Aantekeningen gehouden op eene reis om de wereld met het Fregat de Maria Reigersberg en de Korvet de Pollux in de Jaren 1824, 1825, en 1826 met platen ». Rotterdam : De Weduwe J. Allart, p. 200-201 :
« (...) Pendant ce temps, les deux chefs mentionnés ci-dessus nous ont rejoint, amenant avec eux le fils descendant du roi de cette population, qui n'était tombé au combat que peu de temps auparavant, et qu'ils ont présenté au commandant Eeg avec des signes de respect et révérence. On pouvait estimer que cet enfant avait tout juste six ans et qu’il était déjà considéré comme le successeur de son père.
Les deux chefs furent reçus avec la civilité qui leur était due, et le jeune monarque traité par les officiers selon sa naissance et son lignage. Le commandant pendit autour de son cou une petite chaîne d'acier à laquelle étaient attachées quelques bagatelles ; on accrocha également à son cou un morceau de ruban de l'ordre militaire de Guillaume. L'enfant était, selon la coutume nationale commune, entièrement nu, de sorte que cette dernière décoration ne pouvait être placée sur la poitrine ou le cœur.
Cliquer sur ce lien pour e apprendre davantage sur l’ordre militaire de Guillaume.
La cérémonie terminée, les deux chefs, à leur manière, témoignèrent un grand plaisir de l'honneur fait au jeune monarque, sur quoi, après un petit séjour sous la tente, ils nous quittèrent en toute courtoisie.
Le jeune prince, tel qu'il était venu, fut de nouveau emporté, c'est-à-dire sur l'épaule d'un indigène qui était là. »
4) - Wageningen, Jacob van, 1824-1827
« Verhaal eener reis om [Kaap Hoorn] naar de Oost Indien in de jaren 1824-1827 ». Private collection, pp. 63-64 :
« (...) Parmi les fréquentes visites que nous recevions dans la tente [au point d'eau] se trouvait aussi le roi, un enfant de huit ou dix ans. Il était porté sur les épaules d'un de ses gardes du corps, qui s'asseyait avec lui au centre de la tente et restait assis là pendant plus de trois heures, quand il plut à SM [Sa Majesté] de descendre de ses épaules et de se promener. »
REMARQUES PERSONNELLES sur l’âge de Temoana
*- En 1825, entre les différents journaux des officiers, l’âge de Temoana enfant évolue entre 2 et 10 ans.
*- Quatre années plus tard, le Pasteur Charles S. Stewart en escale à Taiohae à bord du Vincennes, estime à 10 ans l’âge de l’enfant-roi qu’il nomme Moana ; il précise lui aussi qu’il est orphelin, que son père se nommait aussi Moana et qu’il est mort à la guerre.
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*- Le 19 septembre 1833, présents à Taiohae depuis plusieurs mois, les missionnaires américains de Hawaii, Armstrong et Alexander, décrivent dans leurs journaux le mariage de Temoana avec Apekua, tous deux âgés d’environ 12 à 13 ans. (Dening, op. cit., page 179)
*- Le 26 mai 1842, à Taiohae, quelques jours avant la prise de possession de l’île par Dupetit-Thouars, Temoana « principal chef de Taiohae » monte à bord de la Reine Blanche. « C’était un jeune homme de vingt ans environ. » (Radiget, Max, op. cit. page 78).
En prenant cette dernière date comme référence, Temoana serait né en 1822 >> 3 ans en 1825 >>> 7 ans en 1829 >>> 11 ans en 1833 et 20 ans en 1842.
Personnellement, à l’aune de toutes mes lectures, il me paraît plus cohérent de reculer en 1820 pour la naissance de Temoana >>> 5 ans en 1825 >>> 9 ans en 1829 >>> 13 ans en 1833 >>> 22 ans en 1842.
BIBLIOGRAPHIE
*- Dening, Greg - Marquises 1774-1880, Réflexion sur une terre muette - Traduit de l’anglais par Mgr Hervé Le Cléac’h, Danièle Peiffert et Léopold Musyan-Association Èo Ènata-Tahiti-1999
*- Govor, Elena et Nicholas Thomas, « TIKI, Marquesan Art and the Krusenstern expedition », Pacific presences, Sidestone press, Leiden, 2019
*- Radiguet, Max, « Les Derniers Sauvages », éditions Phébus, Paris, 2001.
*- https://journals.openedition.org/archipel/2619
Publié par Jacques Iakopo Pelleau le 4 mai 2024 à Taiohae, Nuku Hiva